k-bulletin nr.3 <kollektive/arbeit>
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Le je du collectif

«Et si tu n’existais pas, dis-moi pourquoi j’existerais…»
(Joe Dassin)

LABOR K-3000
<k-bulletin>kollektive/Arbeit>
et le project <trans_actions>

Labor k-3000 est un collectif d’artistes plasticiens, musiciens, théoriciens, urbanistes architectes et journalistes, établi à Zurich depuis 1998. Son but est de penser et de gérer le collectif en tant qu’ensemble d’individus. Labor k-3000 ne constitue toutefois pas un groupe de travail homogène et unilatéral. Les projets personnels de ses membres priment sur un projet commun. Chacun bénéficie du matériel et du cadre juridique collectif sans être contraint à un travail de groupe.
Marion von Osten est une individualité du collectif Labor k-3000. Artiste travaillant entre Berlin et Zurich, elle intervient dans la réalisation du numéro trois du k-bulletin, revue éditée sous le label K-3000. Sa participation, formalisée par< kollektive / arbeit> (titre du k-bulletin), aborde des questions inhérentes au travail artistique en collectivité et aux fonctionnements des collectifs. La multiplicité des activités de Marion Von Osten (graphiste, designer sur Internet, auteur), est l’élément qui synthétise ces problématiques et les diffuse sur Internet.

La revue <kollektive / arbeit> possède un statut spécifique. Constituée de textes, de visuels produits par des auteurs choisis puis compilés par Marion Von Osten, la revue crée une base de données que l’artiste unifie par un travail graphique. Le consommateur de la revue est alors dans un double rapport à l’économie de l’art. Il peut, d’une part, consulter et imprimer gratuitement les pages web au sein de l’exposition dans laquelle la revue est présentée pour en constituer un magazine ; d’autre part, il a la possibilité d’acheter un classeur conçu par Marion von Osten, destiné à façonner la compilation de textes. Distribué au sein de l’exposition et en librairie, le classeur, objet design épuré, permet de compléter au fur et à mesure le magazine par des textes ajoutés au site, lui-même accessible à partir de n’importe quel ordinateur personnel. La revue en ligne se développe grâce aux débats engagés sur

Internet :
le visiteur / internaute, confronté à l’ambiguïté d’Internet dans un lieu d’exposition, peut ainsi y participer et remettre à jour son ouvrage évolutif et personnalisé. Chacun peut choisir son contenu suivant ses intérêts : le rapport à la collection, à la diffusion et au choix des textes établis par Marion Von Osten comme par le lecteur potentiel, entretient un rapport nouveau à l’œuvre d’art et à sa consommation.

En cours de réalisation le 22 mars 2000, <kollektive / arbeit> est structurée par quatre grandes lignes. Les deux premières sont consacrées à la présentation de travaux élaborés par des collectifs, à l’image du projet de restructuration urbaine Baustop.Randstad à Berlin et à celle de collectifs européens issus de différents contextes socioculturels (Bureau de pointage - Belgique, Oreste - Italie, etc.). Une "carte blanche" consistant en des contributions visuelles est ensuite offerte à une dizaine de collectifs qui étudient les nouvelles conditions du travail de l’artiste. La réflexion se prolonge par un ensemble de textes théoriques sur les économies formelles et informelles que les collectifs d’artistes (zone de gratuité de Free Land - France, Mejor Vida Corporation - Mexique) expérimentent dans leurs pratiques.
Le travail de Marion von Osten est en soi un travail de sélection (textes, images) qui rassemble des travaux individuels. C’est la place de l’individu au sein d’un groupe, d’un ensemble, ici formalisée, qui fait œuvre.

La proposition <kollektive / arbeit>, placée dans l’espace de l’exposition trans_actions ou les nouveaux commerce de l’art, est une mise en abîme du travail collectif : présentée dans une exposition de groupe réalisée par plusieurs commissaires, placée sur l’Unité Collective de Travail de Laurent Hocq, et constituée d’une compilation de textes écrits par des collectifs sur les modalités de leur association. Œuvre réflexive qui interroge son mode de fonctionnement en collectif comme sa forme Internet. Elle attire l’attention sur la place de l’auteur dans un collectif ainsi que la nature de l’œuvre composite et met en évidence la spécificité du fonctionnement de chaque collectif.

Si, depuis un ordinateur particulier (impression) ou dans une librairie (achat du classeur), l’œuvre se donne à voir de manière fragmentaire voire échappe au statut d’œuvre d’art, dans l’exposition, Marion von Osten crée deux espaces complémentaires, un espace d’impression et un espace de vente concrétisés par la création d’un sac design offert pour l’achat du classeur-reliure. Ils se font écho par la typographie utilisée sur les différents supports (sac, classeur, site Internet). Ces éléments forment un tout construit et unifié. Seul l’espace d’exposition permet de rassembler tous les éléments du processus : consultation et impression gratuites, achat du classeur.... Aussi, Marion Von Osten, par la diffusion sur Internet de son œuvre, joue avec ses spécificités et accepte qu’en dehors de l’exposition (chez soi) le site <kollektive / arbeit > puisse ne pas être perçu comme une œuvre d’art. Une autre particularité est propre au choix du médium Internet : espace virtuel collectif, le web présente toutefois le paradoxe de la diffusion et de la consommation individuelles, voire égoïstes, de l’information. Internet établit artificiellement «un rapport social entre des personnes, médiatisé par des images» . L’échange, dans cette collectivité artificielle, est une question d’estimation personnelle de ce qui est pris et offert.

La revue <kollektive / arbeit> offre au spectateur la possibilité de se réapproprier l’œuvre, d’en choisir ses contenus et de la façonner. Cependant, il ne peut acquérir ce privilège qu’en acceptant de devenir le consommateur d’une œuvre composite. Celle-ci est l’expression formelle de sa conception du collectif. C’est en tant qu’individu que l’artiste élabore un travail de groupe. Dans cette logique, c’est le «je du collectif» que Marion von Osten met en scène.


Marie Messina / Sandrine Teste
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