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problématiser 2
par opposition au thématiser
forum art press

Hamlet.- Là, ne voyez-vous rien ?
La Reine.- Absolument rien ; et pourtant, je vois tout.
Acte III, sc. IV

La socialité de l'art, la socialité par excellence, fait que l'art est toujours menacé, parce que précisément il y a une socialité et pour mieux dire encore, une idéologie de l'art.
Si j'ai posé le problème de la socialité de l'art, c'est que je voudrais arriver à rendre le caractère spécifique de l'art. Il participe à une certaine socialité d'une façon ambiguë, contradictoire. A l'intérieure de l'art circule une grande quantité de socialités imitées, une sorte d'imitation générale des socialités, car la pratique artistique n'est pas une pratique d'expression, d'expressivité, mais d'une pratique d'imitation, de copie infinie, et c'est pour ça q'elle est difficile à définir; une réflexion à laquelle nous résistons beaucoup, parce que cela nous met immédiatement en cause nous-mêmes, il existe donc toujours une censure au niveau de l'opinion courante.
Quel but exaltant - disparaître dans l'art -; c'est là que précisément se produit une sorte d'atteinte du sujet, l'atteinte de la conscience du sujet.
Car l'art, je parle toujours évidement d'un art en quelque sorte exemplaire - exemplairement subversif - est une perversion, c'est-à-dire une pratique qui vise à ébranler le sujet, à le dissoudre, à le disperser dans l'oevre, le matériau de l'oeuvre même, dans la poussière de l'oeuvre.
Traversée inutile, qui désigne en quelque sorte la nature même du monde.
Il est important de replacer le corps de l'artiste dans l'art. Je dirai que l'artiste n'existe que au moment où il produit et non pas au moment où il a produit, au moment où il est publié - moment de gestion ou de propriété - le moment évidement que la société choisit pour en parler.
Il faut donc continuer à s'attaquer à ce mythe qui place, d'un côté, antérieurement à son oeuvre, un sujet qui devient le père et le propriétaire d'un produit, l'oeuvre, et de l'autre côté, cette oeuvre, cette marchandise.
Nous assistons à une subversion des genres - "illisibilité" est un vieux mythe réactionnaire - l'opposition de l'inellectualisme, au "populaire".Nous sommes dans une société divisé, et moi-même je subis la cruauté de cette division. Ce mythe de l'artiste - nous avons heureusement tué ce que Malarmé appelait Monsieur dans l'artiste, pour ne pas dire petit Monsieur. Une transformation idéologique et sociale.
La bourgeoisie ne soutient plus son art. Le leadership intellectuel actuell, le grand phénomène sociologique depuis une trentaine d'années, c'est l'arrivée massive des professeurs. Une nouvelle catégorie de production, d'idéologie de production massive très "populaire".
Réviser donc ces partages, éthiques et esthétique, ente le bon art, "artistocratique", bourgeois, et le mauvais art "populaire".
La perversion est intransitive. La figure la plus élémentaire de la perversion, c'est faire l'amour sans procréer. L'art est intransitif dans ce sans là. Il ne procrée pas. C'est effectivement une perversion, parce qu'en réalité, il se définit du côté de la jouissance.
Depuis le développement de la démocratie bourgeoise, c'est-à-dire environ cent cinquante ans, avec le progres de la technique, de la culture de masse, s'impose le divorce entre "le regardeur" et "l'artiste" : d'un côté quelques artistes, et de l'autre une grande masse de regardeurs. Et ceux qui regardent ne font pas l'art. Le problème est là.
Le critique est un non-regardeur. Le jour où l'on arrivera à faire du regardeur un artiste, et pas un consomateur, ou commentateur, tous les problèmes de lisibilité disparaîtront.
Il faut comprendre que l'oeuvre d'art est un espace séducteur. Le problème est donc de savoir comment faire comprendre, et surtout comment faire admettre cette nécessité à ceux qui ne font pzs l'art - qui regarde. C'est-à-dire un art qui tente vraiment d'inscrire en lui le corps de l'artiste, de rejoindre le corps du regardeur, et d'établir une sorte de rapport entre ces deux corps qui ne correspondent pas à des personnes civiles et morales, mais à des figures, à des sujets défaits, à des sujets civilisés.

Et n'est-ce &/et
Paris, octobre 1994

© 1994 Et n'est-ce &/et, Art Press

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